Résine de gaïac à 10 % dans l'alcool à 80 °





1. NATURE DU REACTIF :

La base de ce réactif est une résine extraite d'arbres d'origine américaine : le Guajacum officinale et le Guajacum sanctum. Ces deux espèces font partie de la famille des Zygophyllaceae. La résine est un mélange complexe contenant principalement (à raison d'environ 70 %) les acides a- et b-guaiaconique, mais aussi de l'acide guaïacinique, de la vanilline, etc. On utilisait autrefois la solution de résine de gaïac dans différents tests biochimiques permettant de déceler la présence de sang dans les fèces.
La résine de gaïac du commerce peut être plus ou moins pure et se présenter sous différentes formes : poudre brune homogène, masses vitreuses rouge-noir ou blocs brunâtres. Elle contient même souvent des restes de bois (fibres, morceaux d'écorce, etc.), qui ne nuisent en rien à la qualité du réactif. Il est d'ailleurs possible d'utiliser le bois de gaïac lui-même, mais l'inconvénient est alors relatif au dosage. La nomenclature pharmaceutique voudrait qu'on appelle soluté le réactif obtenu à partir de la résine pure, et teinture celui qu'on obtient par macération du bois dans l'alcool.


2. PREPARATION :

Préparer d'abord l'alcool à 80 ° en mélangeant soigneusement l'éthanol absolu et l'eau bidistillée dans les proportions suivantes :
Ethanol absolu : 100 ml
Eau bidistillée : 28,6 ml

Préparer ensuite le réactif suivant d'après les quantités :
Résine de gaïac : 10 g
Ethanol à 80 ° : --> 100 ml

Transférer les 10 g de résine dans une fiole jaugée de 100 ml et amener au trait de jauge avec l'alcool à 80 ° (il en faut donc à peu près 90 ml). Insérer dans la fiole un barreau magnétique avant de la boucher au Parafilm. Laisser une nuit sur agitateur magnétique à une vitesse modérée (250 t/min), et enfin filtrer.


3. UTILISATION :

La solution alcoolique de résine de gaïac est l'un des réactifs macrochimiques les plus utilisés. C'est sans doute celui qui donne les réactions les plus spectaculaires. D'une manière générale, la teinte obtenue est bleue ou turquoise, mais ce qui importe ici est la vitesse et l'intensité de la réaction. Il arrive qu'elle n'ait pas lieu du tout, ou qu'elle donne une coloration jaunâtre. La résine de gaïac à 10 % dans l'alcool à 80 ° provoque, par exemple, l'apparition d'une coloration bleue intense et rapide sur le stipe de Russula ochroleuca.
Ce réactif permet notamment, en cas de doute (absence de l'odeur de farine ou jeunes exemplaires à lames encore blanches), de séparer Clitopilus prunulus (1) des clitocybes toxiques (2) (rivulosa, dealbata, cerussata, phyllophila, candicans)
(1) --> réaction nulle sur la chair (couleur brune du gaïac)
(2) --> bleu intense sur la chair

D'un point de vue biochimique, la résine de gaïac met en évidence les phénoloxydases. Celles-ci sont des enzymes qui ont la propriété d'oxyder les composés phénoliques grâce à l'oxygène de l'air (O2). Si on soumet à l'action d'une phénoloxydase (d'origine fongique) un composé phénolique (dit substrat vis-à-vis de l'enzyme) qui lui est adapté, alors on obtient toujours des produits, qui peuvent être colorés ou non :
(phénoloxydase)
substrat (composé phénolique) + O2 ------------------------------> produits (colorés ou non)

Si les produits de la réaction sont colorés, alors la substance phénolique est susceptible d'être utilisée comme réactif macrochimique, puisque son application sur la chair d'un champignon qui possède une phénoloxydase adaptée provoquera l'apparition d'une coloration (qui est donc celle des produits de l'oxydation). Dans la résine de gaïac, le composé phénolique responsable de la réaction est l'acide b-guaiaconique, qui, sous l'action des phénoloxydases fongiques, donne un produit coloré en bleu, le bleu de gaïac :
(phénoloxydase)
acide b-guaiaconique + O2 ------------------------------> bleu de gaïac

Il existe de nombreux autres réactifs des phénoloxydases, qui donnent des produits diversement colorés : amidopyrine, gaïacol, a-naphtol, etc.


4. DANGERS :

L'alcool que contient le réactif est inflammable, mais c'est là le seul danger que présente le soluté de résine de gaïac.


5. CONSERVATION :

Il est une précaution à prendre pour que la teinture de gaïac garde son efficacité le plus longtemps possible, c'est de la conserver dans un flacon hermétiquement fermé. En effet, si la réaction d'oxydation de l'acide b-guaiaconique se fait très rapidement grâce à la catalyse par les phénoloxydases des champignons, elle se fait aussi, quoique beaucoup plus lentement, sous l'action directe de l'oxygène de l'air, sans aucune catalyse. D'autre part, l'alcool est volatil.
L'efficacité du réactif peut être évaluée en l'essayant sur Russula ochroleuca : la réaction bleue doit être immédiate et très intense. Roland Hanon (communication orale), conseille de plus un essai sur Russula fellea qui, au contraire, doit donner une réaction faible et très lente. Ce dernier test, très précieux, permet de s'assurer que la concentration du réactif en résine de gaïac n'est pas trop élevée. Dans tous les cas, il est préférable de renouveler la solution tous les ans.

Un autre moyen pour le tester ?
Voici ce que prénonisait ROMAGNESI : le réactif doit être positif sur les lames de Russula velutipes (= rosea = aurora) et subnul sur le pied.
S'il réagit sur le pied, c'est qu'il est trop fort !
S'il ne réagit pas sur les lames, c'est qu'il est trop faible !
Cela marche aussi sur R. minutula ; toutes les autres Russules testées par Romagnesi ont une réaction identique sur lames et pied (test à effectuer TOUJOURS sur du matériel frais - sur des exsiccata, les réactions sont variables).




Créateur du projet : Didier BAAR (U)
Auteurs de la fiche technique : Didier BAAR & Marcel LECOMTE
Responsable : Marcel LECOMTE (Cercle Mycologique de Namur & Cercle des M.L.B.)
Cercle des Mycologues du Luxembourg belge asbl (M.L.B.), Président : Paul PIROT, rue des Peupliers, 10, B-6840 NEUFCHATEAU
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