Après le congrès de la SMS (Société Mycologique de Strasbourg), qui
avait lieu en 2002 au Liebfrauenberg, nous avons reçu de Didier ARGAUD un lactaire qui a été
récolté par Dominique SCHOTT, le 19 octobre sous hêtre dans une hêtraie située sur la commune de
LANGENSOULTZBACH (67 – France).
IL a été examiné par nombre de personnes, dont Paul HERZOG et a été considéré comme l’énigme du
congrès !
Le caractère le plus marquant était un lait devenant rose à
l’émersion, avant de grisonner !
Or il est évident, macroscopiquement, qu’on ne se trouve pas dans la section des
PLINTHOGALI ni
en face d’un
L. vellereus var. hometii : cela constitue donc un réel problème !
N’étant pas présent, nous avons reçu deux dias et un exsiccatum d’un demi champignon, ainsi que la
description suivante :
- lait âcre
- odeur banale
- lait devenant nettement et rapidement rose à l’émersion
- pied avec scrobicules
- chapeau légèrement mais nettement zoné
- dimensions du chapeau : 20 à 25 cm de diamètre
- en séchant, la chair du pied grisonne, sauf la partie centrale qui jaunit
- habitat : sous feuillus en terrain calcaire
EXAMEN MICROSCOPIQUE :
- Spores :
- l’examen et les mesures n’ont pas été réalisés au départ d’une sporée, mais au départ de
fragments de lames de l’exsiccatum ; cependant, on peut considérer, vu la taille du spécimen,
qu’on se trouve en face d’un exemplaire mature.
- forme générale : subovales à subrondes, certaines (rares) nettement elliptiques) de
7,2-8,3 µ x 6,1-6,9 µ (mesures effectuées sur 50 spores, examinées dans le Melzer)
- ornementation amyloïde formée de crêtes fines (épaissies par endroits) et basses
interconnectées en un réseau visiblement incomplet ; présence également de verrues +/-
coniques
- ailettes de 0,5 à 0,7 µ maximum ; réticule évident à mailles ouvertes et connectifs assez
épais ; apicule peu visible (car peu amyloïde)
- dans le Congo ammoniacal, puis l’eau, ces spores apparaissent guttulées (généralement une
grosse guttule unique) et l’apicule est visible très nettement (1,5 à 2 µ)
- zone supra-apiculaire sublisse à ponctuée (selon les spores observées), non amyloïde, peu
remarquable et mal délimitée.
- Q = 1,18 - 1,20
- Cuticule :
- Le peu que nous ayons pu observer indique clairement que nous ne sommes pas dans les
RHYZOCYBES. Il nous a été impossible de réaliser une coupe dans l‘épicutis.
- Arête de lame : observée dans l’eau, après coloration au Rouge Congo ammoniacal ; fragment
non écrasé ; basides très visibles, avec cystides +/- clavées et à extrémité arrondie,
contenant des inclusions, saillantes de l’arête sur 20 à 25 µ
- Cystides :
- cylindro-clavées sur le bord de la lame, avec de temps en temps des spécimens mucronés ;
dimensions : 43-45 x 9-10 µ
- Gloéocystides (se dit de cystides SF+) peu abondantes cylindriques atténuées clavées.
Contenu formé de granulations noircissant plus ou moins dans la sulfovanilline. L'intensité
de la réaction est variable, de très nette à quasiment nulle.
- Cheilocystides fusoïdes mucronées ; dimensions : 30-34 x 5-6 µ
- Basides :
- non cloisonnées, tétrasporiques, assez cylindriques et régulières, légèrement clavées à
la base ; dimensions : 49-53 x 9-10,5 µ ; pas d’observation de boucles à la base ;
stérigmates jusqu’à 7-8 µ
Bordure de lame de Lactarius sp., traitée au Rouge
Congo ammoniacal, et observée dans l'eau : (Obj. x60) ; on distingue très bien les basides
tétrasporiques, ornées des stérigmates (7-8 µ), et l'une ou l'autre cystide.
(Photo Marcel LECOMTE - Nikon Coolpix 995, préparation personnelle) |
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Lactarius sp. : détail d'une baside 4-sporique, traitée
au Rouge Congo ammoniacal, et observée dans l'eau : (Obj. x100) ; les stérigmates portent chacun une
spore, qui se détache à maturité ; juste en dessous, une cystide.
(Photo Marcel LECOMTE - Nikon Coolpix 995, préparation personnelle) |
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Lactarius sp. : détail d'une cystide cylindro-clavée,
traitée au Rouge Congo ammoniacal, et observée dans l'eau, après dissociation du fragment de lame
(Obj. x100) ; elle renferme des granulations amorphes qui noircissent +/- à la sulfovanilline.
(Photo Marcel LECOMTE - Nikon Coolpix 995, préparation personnelle) |
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Lactarius sp. : spore, traitée au Rouge Congo
ammoniacal, et observée dans l'eau (Obj. x100) ; on peut observer une grosse guttule interne ainsi
que l'apicule.
(Photo Marcel LECOMTE - Nikon Coolpix 995, préparation personnelle) |
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Spores de Lactarius sp. , traitées au réactif de Melzer
(à base d'iode), (Obj. x100), qui met en évidence l'ornementation de ces spores : les crêtes sont très
visibles et dessinent une sorte de réseau.
(Photo Marcel LECOMTE - Nikon Coolpix 995, préparation personnelle) |
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CONCLUSIONS personnelles :
- Une première approche macroscopique nous dirige d’emblée vers la section des ZONARII et plus
particulièrement vers zonarius ou acerrimus
- Certains auteurs attribuent à zonarius une chair +/- rosissante à l’air, à la base du pied
puis grisonnante (acerrimus a une chair non rosissante et à peine grisonnante)
- L’habitat correspond : feuillus en terrain calcaire
- La présence de scrobicules n’est pas dérangeante puisque Kühner & Romagnesi ont décrit une
var. scrobipes
- Le lait de zonarius devient âcre
- Microscopiquement, la présence de cystides nombreuses et parfaitement évidentes correspond
bien à zonarius
- l’ornementation des spores est ressemblante à zonarius
- les dimensions des spores et des basides correspondent à zonarius
PROBLEMES :
- Il y a évidemment une différence entre chair rosissante et lait rosissant !
- La taille est largement au-dessus des normes relevées
- Il est triste qu’aucune expérimentation chimique n’ait été réalisée
Diagnostic personnel :
Nous avons le sentiment que deux possibilités s’offrent à nous :
- nous sommes en face de Lactarius zonarius var. scrobipes Kühner & Romagnesi, présentant
une forme individuelle vraisemblablement tératologique sous l’action peut-être du substrat (degré
d’humidité et composition chimique du sol).
- nous sommes en présence d’une nouvelle variété de L. zonarius que nous pourrions appeler
Lactarius zonarius var. rubescenti ad. int.
MAIS il est certain qu'une publication d'une nouvelle forme, variété ou espèce basée sur une seule
récolte serait hasardeuse et mal venue ! Ne tombons pas dans ce travers que pratiquent hélas trop de
personnes, qui se précipitent, non pas pour aider la mycologie (car cela encombre les publications
d'un tas de choses inutiles) mais pour glorifier leur nom .... VANITE, quand tu nous tiens !
Il sera encore temps d’en parler quand nous le récolterons régulièrement en diverses stations…