Rouge Congo ammoniacal [m23]
Rouge Congo aqueux [mL26]
Rouge Congo SDS [mL27]





UN PEU D'HISTOIRE :

Le rouge Congo a été découvert en 1884 par un chimiste allemand, BÖTTIGER, et il n'a guère rencontré de succès dans l'industrie car il bleuissait dans les solutions acides de l'époque, utilisées pour la coloration des textiles. La firme AGFA s'y intéressa après avoir découvert que dans une solution neutre, il colorait directement le coton, sans traitement intermédiaire ni préparatoire. Ce colorant n'a aucun rapport avec l'ancien Congo belge, mais il se trouve que cette année là correspondait à la première exploration de cette région africaine par STANLEY et son inventeur se conforma à l'usage courant de cette époque de nommer une nouvelle substance en faisant référence à un événement important.
En histologie, il a été utilisé très vite avec beaucoup de succès pour la coloration des cellules éosinophiles, des dépôts pathologiques de protéines, des cellules des muqueuses gastriques, de la kératine, des os embryonnaires, du cément des jeunes dents, des parois cellulaires d'algues filamenteuses, des polysaccharides... Contrairement à une certaine opinion, le rouge Congo n'est pas un colorant spécifique de la cellulose ou de la chitine.
En mycologie, c'est un colorant universel convenant spécialement pour les parois.


1. NATURE DU REACTIF :

Le rouge Congo est un colorant qui fait partie de la catégorie des polyazoïques parce qu'il possède deux chromophores (région de la molécule qui est principalement responsable de la teinte) de type azoïque, c'est-à-dire formés chacun de deux atomes d'azote doublement liés, et diversement substitués. Le numéro du Color Index (C. I., c'est la référence internationale en matière de colorants) du rouge Congo est le 22 120. C'est un colorant acide, c'est-à-dire qu'il a tendance à se fixer préférentiellement sur les structures basiques. Il colore particulièrement bien les parois des cellules de champignons ; c'est pour cela qu'il est un des colorants les plus utilisés en mycologie générale.
Sa formule brute est : C32H22N6Na2O6S2 ; il est soluble dans l'eau à raison de 25 g/litre.


2. PREPARATION :

  1. le rouge Congo ammoniacal
    Rouge Congo : 1 g
    Ammoniaque filtrée (solution commerciale concentrée) : --> 100 ml

    Transférer le colorant dans une fiole jaugée de 100 ml et amener au trait de jauge avec l'ammoniaque (il en faut donc à peu près 99 ml). Opérer rapidement et couvrir aussitôt avec un verre de montre afin de limiter les pertes d'ammoniac. Si la solution n'est pas limpide, plonger le flacon dans un bain-marie et agiter jusqu'à dissolution du colorant, sans (jamais !) dépasser la température de 35 °, sous peine de voir bouillir l'ammoniaque. Laisser alors refroidir quelque peu avant de filtrer dans un entonnoir fermé avec un couvercle de boîte de Pétri. Travailler si possible sous hotte aspirante, ou à défaut dans un endroit bien ventilé.
    L'ajout de NH4OH dans le rouge Congo est une " mode " répandue en mycologie ; elle a 2 raisons :


  2. le rouge Congo aqueux
    Rouge Congo : 1 g
    Eau bidistillée : --> 100 ml
    agent mouillant : 0,5 cc

    CLEMENCON et MOSER affirment qu'une solution aqueuse est très stable et que son pouvoir de coloration n'est pas inférieur au mélange ammoniacal traditionnel. Un seul inconvénient : la solution aqueuse est moins mouillante que le rouge C. ammoniacal, ce qui explique que nous y ajoutions un agent mouillant.



  3. le rouge Congo SDS
    Rouge Congo : 1 g
    Eau bidistillée : --> 100 ml
    SDS : 1 %

    SDS signifie Sodium Dodécyl Sulfate, ou encore sodium laurylsulfate, de formule brute C12H25NaO4S.
    Ce réactif a été mis au point par Michel MONOD, ancien élève de CLEMENCON, pour colorer sélectivement les hyphes des prélèvements de peau mycosée.


3. UTILISATION :

  1. le rouge Congo ammoniacal

    Le rouge Congo ammoniacal est un excellent milieu pour toutes les observations courantes. Il a les mêmes qualités regonflantes et ramollissantes que l'ammoniaque, et a l'avantage supplémentaire de colorer la paroi de la plupart des hyphes, ce qui augmente le contraste et facilite ainsi l'observation et l'interprétation. Il convient parfaitement lors de la recherche des anses d'anastomose, qu'il met admirablement en évidence. On a intérêt, et particulièrement lors de la photomicrographie, à laver dans l'ammoniaque diluée deux fois les préparations montées dans le rouge Congo ammoniacal. Par cette opération, le fond se décolore et le contraste se trouve encore augmenté. L'ammoniaque diluée deux fois a l'avantage sur l'ammoniaque concentrée de ne dissoudre que le colorant non fixé sur les structures fongiques. L'ammoniaque concentrée, au contraire, dissout assez facilement le rouge Congo, même fixé, et fait donc pâlir les éléments observés. L'eau convient moins bien parce que le colorant n'y est que peu soluble, et qu'elle a tendance à provoquer sa cristallisation.
    Il permet aussi de colorer l'endospore de certaines spores (notamment chez Volvaria et Pluteus).

    Mais le rouge Congo ammoniacal a les défauts de l'ammoniaque : il est très volatil et la préparation se dessèche au cours de l'observation. Plutôt que d'ajouter du colorant pour maintenir la préparation humide, on a intérêt à ajouter de l'ammoniaque diluée deux fois pour les raisons évoquées précédemment. Par ailleurs, il faut savoir que l'ammoniaque dissout certains éléments comme les incrustations acido-résistantes de la cuticule des russules. On peut aussi utiliser le rouge Congo ammoniacal au lieu d'ammoniaque pour l'étude des chrysocystides (qui sont des cellules stériles dont le contenu vire au jaune au contact des bases), car le rouge Congo ne masque pas la réaction.

    Jean-Marie PIRLOT applique un procédé de double coloration pour l'étude des Polypores. Voici comment il pratique :


  2. le rouge Congo aqueux

    Pour Clémençon, le pouvoir colorant serait même amélioré, en ce sens que le contenu cellulaire est moins coloré et donc plus net ; le contenu de certaines basides se colore en orangé et les cloisons des Basidiomycètes laissent parfois apparaître une sorte de bouton central faiblement coloré : le renflement du dolipore. Il est également indiqué pour mettre en évidence les parois des hyphes, les cloisons et certaines structures de la paroi des spores.


  3. le rouge Congo SDS

    Lorsque CLEMENCON l'a testé sur des Basidiomycètes, il a été surpris par la clarté des colorations. Alors que les parois et cloisons des hyphes et basides étaient vivement colorées, le cytoplasme est resté complètement incolore. Mais le plus important est que ce manque de coloration fait que la masse cytoplasmique qui obstrue le dolipore n'est pas colorée ; aussi, le bourrelet pariétal est très visible, mais parfois aussi le dolipore chez les espèces où il est très large (Coprins), alors qu'on considère normalement, qu'il n'est visible qu'au microscope électronique.
    La solution de rouge Congo au SDS est donc particulièrement utile si on veut déterminer si on se trouve en face d'une espèce de la classe des Basidiomycètes (la seule où on rencontre des dolipores). C'est également un excellent regonflant.
ATTENTION ! le rouge Congo (quel que soit le solvant !) ne fait pas bon ménage avec l'acide lactique : il devient bleu noir instantané ! Cela signifie qu'une conservation définitive à l'aide de l'alcool polyvinylique lactophénol est exclue ; il faut alors se tourner vers le conservateur de Hoyer ou le Baume du Canada.

4. DANGERS :

Tous les dangers que présente le rouge Congo ammoniacal sont dus à l'ammoniaque, sauf le risque de tacher irrémédiablement les vêtements, qui, lui, incombe au rouge Congo. L'ammoniaque, étant très volatile, libère le gaz ammoniac, qui est fortement irritant. Ses propriétés basiques la rendent corrosive, donc, éviter le contact avec la peau et surtout avec les yeux, et éviter de respirer les vapeurs. D'autre part, il est bon de savoir que l'ammoniaque, au contact de l'iode, provoque des réactions à caractère explosif.

Il faut savoir qu'à l'état pur, le rouge Congo :

5. CONSERVATION :

Il convient, pour que le rouge Congo ammoniacal reste efficace le plus longtemps possible, de le conserver dans un petit flacon bien fermé, qu'on ouvre le moins souvent et le moins longtemps possible. Cela pour deux raisons : d'une part l'ammoniac se dégage de la solution, et d'autre part le CO2 atmosphérique réagit avec l'hydroxyde d'ammonium (NH4OH) pour donner du carbonate d'ammonium (NH4)2CO3, qui précipite au pH alcalin de la solution, ce qui se traduit par l'apparition de cristaux brillants. Ces deux phénomènes ont pour résultat d'abaisser le titre (concentration) de la solution. Comme la concentration en ammoniac diminue, la solubilité du rouge Congo diminue également, et il finit par précipiter lui aussi. Même en prenant toutes ces précautions, la solution de rouge Congo dans NH4OH est instable, avec formation d'un précipité ou d'un dépôt qui s'accentue au fil du temps et pollue le flacon !




Créateur du projet : Didier BAAR (U)
Auteurs de la fiche technique : Didier BAAR & Marcel LECOMTE
Responsable : Marcel LECOMTE (Cercle Mycologique de Namur & Cercle des M.L.B.)
Collaborateurs : Philippe DUFOUR (Cercle Mycologique de Namur) - Roland HANON (Cercle des M.L.B.)
Cercle des Mycologues du Luxembourg belge asbl (M.L.B.), Président : Paul PIROT, rue des Peupliers, 10, B-6840 NEUFCHATEAU
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